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Voilà longtemps que le Fespaco (festival panafricain de cinéma de Ouagadougou) a résolu le casse-tête du film d'ouverture qui soucie tant les autres festivals internationaux : il n'y en a pas. Seulement de la musique, de la danse et des discours. Jusqu'en 2013, la population de la capitale du Burkina Faso était conviée au stade de la ville où des dizaines de milliers personnes s'ennuyaient en écoutant le ministre de la culture du moment et dansaient au son des plus grands musiciens africains. Parfois, les fils politique et musical se croisaient, faisant des étincelles, comme en 1999, quand l'Ivoirien Alpha Blondy s'en prit au président Blaise Compaoré, déclenchant une émeute antigouvernementale.
L'édition 2015, la 24e du Fespaco, organisé tous les deux ans, est la première depuis bien longtemps qui ne sera pas placée sous la tutelle du beau Blaise, qui a gouverné le pays du coup d'Etat de 1987 à la révolution qui l'a chassé de son palais ouagalais le 31 octobre 2014. Un temps, on a cru que le festival serait annulé : l'hôtel Azalaï (ex-Indépendance), centre de gravité du festival est inutilisable ; le Nord du pays, à la frontière avec le Niger et le Mali est peu sûr ; et plus encore que l'insécurité dans la région, la menace de l'épidémie d'Ebola a failli venir à bout du Fespaco, après avoir réduit à néant le salon international de l'artisanat, prévu fin 2014. Mais à ce jour, aucun cas de fièvre Ebola n'a été recensé au Burkina.
La "forte rumeur", selon les termes du communiqué officiel du Fespaco évoquant la déprogrammation de Timbuktu n'était que ça, une rumeur. Elle a été au moins l'occasion pour la direction de réaffirmer que les "dispositions sécuritaires et sanitaires" étaient prises.
Et de fait, la cérémonie d'ouverture a été déplacée du stade en plein air au palais des sports couvert, et le nombre de spectateurs a été divisé environ par dix, il n'y en avait ce samedi 28 février que trois ou quatre mille. A l'entrée du bâtiment ils ont été accueillis par des vigiles qui fouillaient très minutieusement chaque sac, chaque poche et par des dames en blouse blanche qui distribuaient à chacun une dose de lotion antiseptique.
Fouillée, désinfectée, la foule a ensuite écouté patiemment les discours étonnamment brefs du délégué général du festival Ardiouma Soma, du ministre de la culture, Jean-Claude Dioma. Le premier n'a pas évoqué l'affaire Timbuktu, préférant mettre l'accent sur les nouveautés de 2015 : le passage au numérique des projections, l'intégration des cinéastes de la diaspora (antillais, en l'occurrence) à la compétition et le doublement des sommes allouées aux films lauréats. L'étalon d'or de Yenenga rapportera vingt millions de francs CFA au lieu de dix millions à ses producteurs et réalisateur.
Mais au fait, qui remportera cette version sahélienne de la Palme d'or ? Enlever les films de l'ouverture simplifie le travail des sélectionneurs, mais porte le reste de l'humanité à s'en désintéresser. Or, le programme de la compétition de ce 24e Fespaco n'est pas dépourvu d'intérêt, loin de là. En compétition, Timbuktu fait figure de favori, tout chargé d'honneurs qu'il est. Il appartient à la catégorie des films déjà sortis dans le reste du monde comme Des étoiles, de Diana Gaye ou Run de Philippe Lacote qui ont déjà écumé les festivals. Restent les vraies découvertes. Les vétérans du cinéma africain attendent avec curiosité le premier film de Cheick Oumar Sissoko depuis l'an 2000, Rapt à Bamako. Entre-temps l'auteur de Guimba et La Genèse a été ministre de la culture du Mali.
On tentera aussi de répondre à l'éternelle question de la transmutation des productions de Nollywood (l'industrie nigériane du cinéma) en art : Render to Caesar, d'Obviagele Desmond représentera le Nigeria. Et le poids respectif des industries francophone et anglophone sur le continent se jugera sans doute plus au MICA, le marché du film que dans le palmarès que décernera, le 8 mars, le jury présidé par le Ghanéen Kwah Ansah.
Source: http://sotinel.blog.lemonde.fr/2015/03/01/le-fespaco-ou-lart-douvrir-sans-film-un-festival-de-cinema/