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Guinéennes et guinéens,

Mes très chers compatriotes,

Suite aux élections locales du 4 février 2018, les progressistes en Guinée, celles et ceux qui refusent de se résigner au retard du pays, ne pouvaient pas rester indifférents.

En effet, ces élections du 4 février se sont malheureusement inscrites dans l’histoire bien connue en Guinée de la fraude, de la triche, du tragique et de la violence. Depuis les premières élections multipartites en 1993 jusqu’aujourd’hui, malgré de gigantesques investissements en ressources, malgré toutes les missions d’assistance technique et d’observation électorale, jusqu’aujourd’hui la Guinée n’a pas avancé d’un pas en matière de qualification de son processus électoral. Le système qui est là refuse tout progrès en matière électoral. Pourtant, tout le monde autour de nous avance. Notamment le Libéria et la Sierra Leone. Ou encore le Nigéria, le Ghana, le Bénin, et le Sénégal. Le processus électoral est difficile dans tous ces pays également. Mais ils avancent quand même élection après élection. Pourquoi, en Guinée, c’est le contraire? Pourquoi le processus électoral n’arrive pas à se qualifier en Guinée? Pourquoi c’est toujours la même histoire tragique?

Mesdames et messieurs,

Avant de répondre à toutes ces questions, je tiens d’abord à vous faire part, suite aux élections locales du 4 février 2018, des conclusions conséquentes que nous avons tirées au sein de la LDRG :

  1. Premièrement, aux vues de la fragilité du pays, des violences et de la radicalisation des populations, nous avons acquis la conviction que seul un processus électoral propre, crédible et transparent peut garantir la paix et la stabilité en Guinée. Sans un processus électoral crédible et transparent, l’État guinéen est en train perdre le monopole de la violence car, après avoir subit depuis trop longtemps la répression et l’impunité, une nouvelle génération est aujourd’hui prête à défendre son suffrage et à se protéger par tous les moyens nécessaires.
  2. Deuxièmement, l’histoire et l’expérience nous prouve à suffisance que pour qualifier le processus électoral guinéen, nous ne pouvons plus nous fier à la bonne foi des acteurs de ce processus. Depuis 1993, combien de millions de dollar ont été investis dans le processus électoral guinéen? Combien de missions techniques sont passés par là? Combien de rapports d’observation électorale ont été produit? Malgré tout, ça n’avance pas d’un iota à cause du refus et de la mauvaise foi des acteurs du processus électoral.
  3. Troisièmement et finalement, pour éviter la guerre en Guinée tout en qualifiant le processus électoral de manière à ce que des élections crédibles, transparentes et acceptées par tous puissent se tenir dans ce pays, il ne suffit plus de se fier à la bonne foi des acteurs du processus et aux missions d’observation électorale. Nous avons déjà essayé cela à plusieurs reprises, et ça ne marche pas. Il faut donc essayer autre chose maintenant : ce sont les sanctions ciblées. Comme c’est le cas en ce moment en RDC, et comme ce fut le cas en 2003 au Libéria et en 2004 en Côte d’Ivoire, il est temps d’infliger des sanctions ciblées contre les maîtres d’orchestre de la fraude et de la violence électorale en Guinée. Non seulement ces sanctions ciblées éloigneront les acteurs identifiés de la fraude des prochains cycles électoraux, mais de plus, elles dissuaderaient celles et ceux qui en seraient tentés. Les sanctions encourageront plutôt l’ensemble des acteurs du processus à participer de manière constructive à la qualification du processus électoral Guinéen.

Mesdames et messieurs,

C’est dans cet état d’esprit que la LDRG a publié 26 février 2018 un Rapport nominatif sur la fraude et la violence électoral lors du scrutin du 4 février. Non seulement ce rapport supporte la légitimité des sanctions ciblées, mais de plus, il justifie les bases juridiques de leur application. Ce rapport contient une première liste de 29 individus qui se sont illustrés dans les pratiques de fraudes et d’appel à la violence durant le processus électoral du 4 février. Parmi ces 29 individus, y figurent deux ministres de la république, quelques magistrats, un député, et des membres de la commission électorale. Ce rapport a vocation à être partagé dans les prochains jours avec les instances régionales et internationales compétentes pour infliger les sanctions les plus sévères possibles à cette première liste de 29 individus. Plus les sanctions seront sévères, plus il y a des chances que les prochains cycles électoraux en Guinée soient beaucoup plus propres, crédibles et transparents. Parce qu’il est temps en Guinée aussi que ceux qui perdent une élection, acceptent leur défaite pour mieux se préparer pour les prochaines échéances. Et que ceux qui gagnent acceptent humblement leur victoire tout en gouvernant avec les perdants, et qu’ils réalisent des actions concrètes pour les populations afin de bénéficier d’une seconde chance lors des prochaines échéances électorales. Une défaite électorale n’est pas la fin du monde.

Guinéennes et guinéens,

Mes très chers compatriotes,

À présent, pour répondre à la première question que nous nous posions au début de cette adresse sur le « POURQUOI » la fraude et la violence électorale persiste en Guinée, tout d’abord, il faut savoir que la persistance de la fraude et de la violence électorale est quelque part le symptôme de la nature exclusive de l’exercice du pouvoir dans notre pays. Lorsque le pouvoir est concentré dans les mains d’un seul individu ou d’un seul parti politique, cela fait des compétitions électorales de véritables champs de batailles pour accéder au pouvoir car, avec le pouvoir vous aurez tout, et sans le pouvoir vous n’êtes rien. Voilà pourquoi certains sont prêts à frauder encore et encore pour accéder ou se maintenir au pouvoir. Voilà pourquoi d’autres sont prêts à tuer et marcher sur des cadavres pour accéder ou se maintenir au pouvoir.

En plus de la réforme de la commission électorale ainsi que des sanctions ciblées à l’encontre des maîtres d’orchestre de la fraude et de la violence, si nous voulons vraiment décrisper les luttes de pouvoir de manière durable et définitive en Guinée, alors il est indispensable de partager, déconcentrer et décentraliser l’exercice du pouvoir en Guinée. Il n’est pas nécessaire pour un Président de la République de nommer les gouverneurs des 8 régions administratives du pays. Les gouverneurs peuvent être élu par leurs populations locales. Le pouvoir central doit déconcentrer certaines prérogatives aux gouverneurs élus. Ainsi, les populations locales se sentiront beaucoup mieux en contrôle de leur ressource et du développement de leur région. Au niveau du gouvernement central, il n’est pas nécessaire pour un Président de la République de nommer le cabinet de ses ministres, cela doit revenir au Premier ministre. Encore au niveau du gouvernement central, certes ce gouvernement doit être dirigé par le premier ministre issu du parti majoritaire au parlement, mais sa composition ne doit pas exclusivement être du parti majoritaire. Les partis minoritaires doivent absolument y être représenté par accord de projet ou de programme politique. Cela ne doit pas être une faveur du président de la république comme ça a toujours été le cas en Guinée, mais plutôt une obligation constitutionnelle qui amène le premier ministre et le Président de la République à engager des consultations, au lendemain d’une victoire électorale, pour constituer une coalition gouvernementale comprenant des partis d’opposition.

En déconcentrant, décentralisant et partageant ainsi le pouvoir, celui qui aura perdu une élection, n’aura pas tout perdu; et celui qui aura gagné, n’aura pas tout gagné. Celui qui perd au niveau central pourra gagner au niveau régional. De même, celui qui perd au niveau régional pourra gagner au niveau central. La coalition gouvernementale fera en sorte que nous ne vivrons plus dans une espèce de compagne électorale permanente. L’ensemble des acteurs politiques seront au travail jusqu’au début formel des campagnes électorales qui ne dureront qu’un mois au maximum. Cela apaise tout le monde, tout en ramenant une stabilité durable permettant de réaliser de grands projets de développement au bénéficie de l’ensemble de la population.

Voilà la vision que j’ai voulu partager avec vous aujourd’hui. Et voilà la vision à laquelle j’invite l’ensemble des acteurs progressistes de notre pays.

Je vous remercie de votre aimable attention.

Mamadou Oury Diallo

Président de la LDRG

Tag(s) : #Guinée, #Politique-Guinée, #Afrique, #Afrique de l'Ouest