
Les arguments avancés par le gouvernement sont objectifs et compréhensibles. Les subventions aux produits pétroliers ne permettent plus de balancer les comptes publics, d'autant plus que le prix du baril à l'international est sur une pente ascendante. De plus, certains pays de la région ont réajusté les prix à la pompe de plus de 33%. Finalement, le Fonds Monétaire International, le principal partenaire financier du pays, encourage le gouvernement à réduire les subventions aux produits pétroliers. Donc, la décision du gouvernement est objective et compréhensible. Et je suis convaincu que si on s'en tenait simplement à ces arguments, même les forces sociales en Guinée auraient compris cette décision d'augmenter le prix du carburant à la pompe de 8 milles à 10 milles GNF.
Mais je craints fort qu'il y ait des dimensions dans cette crise sociale que le gouvernement ignore ou fait semblant d'ignorer:
1-La première dimension est l'écart des richesses dans le pays. Il y a une élite proche du pouvoir qui concentre plus de 95% des richesses du pays. Ceci n'est pas une propagande communiste. C'est une réalité évidente. L'augmentation du prix du carburant ne fera ni chaud ni froid à cette élite. La grande majorité de la population qui se partage les 5% des richesses du pays perçoit l'augmentation du prix du carburant, non pas comme une lourde charge financière qui grèvera considérablement son faible revenu, mais plutôt comme une nouvelle injustice sociale insupportable par rapport à la petite élite qui se partage les 95% des richesses du pays. C'est ainsi que cette décision est perçue par les populations.
2-La deuxième dimension concerne l'éthique entourant la décision d'augmenter le prix du carburant à la pompe. Nous parlons ici de l'un des pays ayant la gouvernance économique la plus médiocre de la région. Même le FMI, dans son rapport publié le 20 juillet 2018, pointe du doigt les défaillances de la gouvernance économique. Notamment les autorisations de décaissement pour des dépenses dites de "souveraineté", des garanties autorisées par la Banque centrale à des individus et des investisseurs privés, sans parler des affaires de corruption dans les marchés publics. Toutes ces affaires sont biens connues des populations qui en subissent les conséquences jour après jour. Toutes ces affaires contribuent autant que les subventions aux produits pétroliers au déséquilibre des comptes publics. La décision du gouvernement d'augmenter le prix du carburant à la pompe, tout en ne prenant aucune action sérieuse contre la corruption et la mauvaise gouvernance, n'est pas éthiquement correcte dans ce contexte. Voilà pourquoi les forces sociales rejettent radicalement l'augmentation du prix du carburant à la pompe.
Passer à coté de ces deux dimensions dans l'analyse de cette crise équivaudrait à passer à côté de l'essentiel.
LA SOLUTION: Au regard de ce qui précède, il apparaît indéniablement une totale déconnexion entre les élites dirigeantes du pays et les populations. La solution à cette crise sociale commence par la suspension de la décision du gouvernement d'augmenter le prix du carburant à 10 milles GNF pour ramener les protestataires au tour de la table du dialogue. Puis, diminuer le niveau d'augmentation du prix du carburant à la pompe. Ensuite, envisager des actions alternatives qui feront contribuer beaucoup plus la petite élite qui possède les 95% des richesses du pays afin de combler le manque à gagner. Finalement, créer un organe anti-corruption indépendant des pouvoirs politiques, confier cet organe à la société civile indépendante, et lui donner les moyens de traquer la corruption à toutes les échelles de la gouvernance du pays.
En procédant ainsi, la décision du gouvernement d'augmenter le prix du carburant à la pompe sera mieux accueillie par les populations. Autrement, la Ligue des Démocrates Réformistes de Guinée (LDRG) est solidaire et penche totalement du côté des forces sociales en Guinée.
Mamadou Oury Diallo
Président de la LDRG