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Parmi les mouvements sociaux de ces dernières années dont je suis le plus administratif figure notamment le mouvement Y’EN À MARRE du Sénégal. Ces jeunes m’ont beaucoup impressionné par leur esprit critique, leur capacité de résistance pacifique et leur indépendance politique. Cependant, il me semble qu’il ne faut pas confondre “l’activisme stérile” et “l’activisme fécond”.

Comme plusieurs intellectuels guinéens favorables à une bonne et véritable réforme constitutionnelle en Guinée, je fus désagréablement surpris d’apprendre que le mouvement Y’EN A MARRE du Sénégal se mêle du débat Guinéo-guinéen en soutenant le FNDC. Mon espoir a toujours été que la société civile guinéenne parte faire un stage auprès de la société civile sénégalaise, et non que la société civile sénégalaise se fasse draguer par la société civile guinéenne qui a une bien mauvaise réputation. En effet, j’avais cru comprendre que le mouvement Y’EN A MARRE du Sénégal avait une démarche intellectuelle rigoureuse face à une situation donnée. Je croyais qu’elle ne pouvais soutenir une cause de manière inconditionnelle sans auparavant exercer cette démarche intellectuelle. Peut-être alors que je me suis totalement trompé car il n’est même pas nécessaire de fournir un effort intellectuel massif pour se rendre compte que sur le cas guinéen la lutte du FNDC n’a aucun fondement CIVIQUE et INTELLECTUEL solide.

1-D’abord, il faut savoir de quoi nous parlons en Guinée. En Guinée, nous parlons d’abord de LÉGITIMITÉ. Que la société civile guinéenne ne connaisse pas l’importance de la légitimité je peux le comprendre car elle a le niveau de ses sales besognes. Mais la société civile sénégalaise ne peut pas être insensible à la question de la légitimité de la Constitution du Sénégal. Je suis prêt à mettre mes deux mains à couper que jamais au plus grand jamais la société civile sénégalaise ne tolérera que, non seulement la constitution du Sénégal soit rédigée à huis-clos par des acteurs non désignés par le peuple sénégalais, mais plus, que la constitution du Sénégal soit décrétée par un général d’armée putschiste sans même qu’aucun citoyen du Sénégal ne sache le contenu de cette constitution. Cela ne risque pas d’arriver avec la société civile sénégalaise. Pourtant, en Guinée, c’est de cela d’abord qu’il s’agit. Lorsqu’on rédigeait à huis-clos et décrétait l’actuelle constitution, la société civile guinéenne dormait d’un doux sommeil. Faudrait-il peut-être que je précise qu’il ne s’agit pas de toute la société civile guinéenne car, en ce qui concerne mon Mouvement, nous ne l’avons jamais digéré. Depuis que cela est arrivé, voilà dix années que nous luttons et sensibilisons sur la nécessité de procéder à une véritable réforme constitutionnelle qui respecte les règles de l’art en la matière (inclusive et soumise au référendum pour lui conférer toute sa légitimité). Dans cette lutte d’une décennie, j’ai personnellement consenti 35 jours de jeûne et 208 km de marche. De plus, j’ai récolté 1553 signataires pour la pétition pour une Nouvelle République en Guinée. En terme d’activisme, je suis même allé jusqu’à déchirer et piétiner en direct la constitution dictée et décrétée contre nous en Guinée. Donc, quelque part, j’ai sauvé l’honneur de la société civile guinéenne dans cette affaire. Si la société civile guinéenne avait assumé son rôle à l’époque nous n’en serions pas là aujourd’hui. En terme de légitimité, ce qui est valable il y a 10 ans, est encore valable aujourd’hui. Nous devons corriger cette erreur et redonner de la légitimité à notre Constitution. C’est d’abord de cela qu’il s’agit en Guinée. Et je ne crois pas que cela soit intellectuellement inaccessible pour le mouvement Y’EN A MARRE du Sénégal.

2-Puis, j’espère bien que les activistes du mouvement Y’EN A MARRE du Sénégal ont bien pris la peine de lire la Constitution de la Guinée. Parce qu’il faut lire avec un œil critique cette constitution pour se rendre compte, non seulement de son incohérence en terme d’ingénierie institutionnelle, mais aussi, de sa défaillance en terme de progressisme et de protection véritable des droits et libertés civiques. D’ailleurs, cette constitution a été mise à l’épreuve au cours des dix dernières années en Guinée. Tous les acteurs politiques sont unanimement arrivés à la conclusion de son incohérence voilà pourquoi ce sont des accords politiques qui gouvernent la Guinée en lieu et place de la Constitution. Donc, il est aussi question de doter la Guinée d’une Constitution cohérente et suffisamment progressiste pour protéger les droits et libertés des populations guinéennes.

3-Finalement, lorsque nous parlons de société civile en Guinée, il faut aussi savoir de quoi nous parlons. Il s’agit d’une société civile qui est non seulement régulièrement trempée dans des affaires de gros sous, mais de plus, certains acteurs de cette société civile avaient formé des comités de soutien durant la période de transition pour encourager le chef de la junte militaire à se maintenir au pouvoir en Guinée. Sans rappeler qu’il s’agit là d’une société civile divisée et très souvent politiquement affichée pour un camp ou pour un autre.

Conclusion: je sais que c’est dans l’air des temps et que c’est très romantique pour un mouvement de s’afficher aux côtés d’une immense foule qui manifeste pour “défendre la constitution”. Mais faut-il encore bien savoir si derrière cette foule qui manifeste il n’y a pas des acteurs qui tirent des ficelles pour avancer leurs propres intérêts égoïstes au détriment de ceux du peuple. L’endoctrinement n’est pas un mot vain en Guinée. Voilà pourquoi la priorité en Guinée est de doter le pays d’une Constitution cohérente et légitime, indépendamment du camp politique qui prend l’initiative de cette importante réforme. Nous sommes en Guinée. Aucun acteur politique n’a les mains propres. Bienvenue à nos frères sénégalais. 

M.O.D

Tag(s) : #Politique-Guinée, #Société-Guinée, #Afrique, #Africa