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Le Nobel de la paix a couronné vendredi le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies qui, du Yémen à la Corée du Nord, nourrit des dizaines de millions de bouches dans un monde où la faim est redoutable.
"L'une des beautés des activités du PAM est que non seulement nous fournissons de la nourriture pour aujourd'hui et demain, mais nous donnons aussi aux gens les connaissances nécessaires et des moyens pour subvenir à leurs besoins dans les jours qui suivent", a déclaré un porte-parole de l'agence onusienne, Tomson Phiri, lors d'un point de presse à Genève, quelques secondes après l'annonce du comité Nobel norvégien.
Recevoir le Nobel de la paix est "un moment de fierté", a ajouté le porte-parole du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies.
Le PAM est récompensé pour ses efforts de lutte contre la faim, pour sa contribution à l'amélioration des conditions de paix dans les zones touchées par les conflits et pour avoir joué un rôle moteur dans les efforts visant à empêcher l'utilisation de la faim comme arme de guerre, a dit la présidente du comité Nobel, Berit Reiss-Andersen.
Opérant aussi bien par hélicoptère qu'à dos d'éléphant ou de chameau, le PAM se présente comme la plus grande organisation humanitaire, une nécessitée, puisque, selon ses estimations, 690 millions de personnes, soit une sur 11, souffraient de sous-alimentation chronique en 2019. Et sans doute davantage cette année en raison de la pandémie.
Le bras alimentaire des Nations unies
Le Programme a été fondé en décembre 1961, avec son siège à Rome, à la demande du président américain Dwight Eisenhower, officiellement pour doter la jeune ONU d'un bras alimentaire.
En réalité "le PAM est né de la volonté du gouvernement américain de soutenir son agriculture nationale en rachetant les surplus agricoles aux États-Unis et en les distribuant dans les pays en voie de développement", explique un fonctionnaire du Programme sous le couvert de l'anonymat.
En 1963, le premier projet du PAM consacré à l'alimentation à l'école voit le jour et, en 1965, l'agence est pleinement intégrée aux Nations unies.
Rien que l'an dernier, le PAM dit avoir distribué 15 milliards de rations et assisté 97 millions de personnes dans 88 pays. Un chiffre vertigineux, mais qui ne représente qu'une fraction du besoin total.
Malgré les progrès enregistrés ces trois dernières décennies, l'objectif établi par l'ONU d'éradiquer la faim d'ici 2030 semble hors d'atteinte si les tendances actuelles se poursuivent, selon les experts. Femmes et enfants sont bien souvent les catégories les plus vulnérables.
Conflits armés
La guerre peut être à la fois la cause et la conséquence de la faim : les populations vivant dans des pays touchés par des conflits sont nettement plus susceptibles d'être sous-alimentées, selon l'organisation.
"Il n'y a pas 1000 façons de procéder", déclarait le directeur général du PAM, l'Américain David Beasley, le 21 septembre. Le seul moyen d'en finir avec la faim, c'est de mettre fin aux conflits.
Le Yémen en fournit une preuve tragique. Tant les Nations unies que les ONG tirent l'alarme sur les conséquences désastreuses du conflit qui oppose depuis 2015 le gouvernement, appuyé par une coalition militaire dirigée par l'Arabie saoudite, et les rebelles houthis, soutenus par l'Iran.
Les combats ont fait des dizaines de milliers de morts, pour la plupart des civils, selon les ONG, déplacé 3 millions de personnes et poussé le pays au bord de la famine. Deux tiers des 30 millions d'habitants ne savent pas de quoi sera fait leur prochain repas, selon le PAM.
Famines et choc sanitaire
L'horizon pour la planète s'est encore assombri cette année avec le choc sanitaire et économique causé par la pandémie de COVID-19, qui cause des pertes de revenus en cascade, renchérit les aliments et perturbe les chaînes d'approvisionnement.
"Nous pourrions être confrontés à de multiples famines de proportions bibliques en quelques mois", prévenait David Beasley dès avril. La récession mondiale due au virus risque de pousser vers la faim entre 83 et 132 millions de personnes supplémentaires, estimait l'ONU dans un rapport publié à la mi-juillet.
Le Programme alimentaire mondial aurait été un lauréat digne du prix sans la pandémie, mais la pandémie et ses conséquences renforcent absolument les raisons pour ce prix, a dit Mme Reiss-Andersen devant une audience réduite à moins d'une dizaine de journalistes, COVID-19 oblige.
L'ONU, habituée des prix Nobel
Face aux tentations de replis nationalistes, la présidente du comité Nobel, arrivée avec des béquilles à cause d'une fracture de la jambe, a souligné l'importance de trouver des solutions multilatérales pour combattre les défis mondiaux.
C'est la 12e fois que le prix de la paix consacre l'ONU, une de ses agences ou une personnalité qui y est liée, plus que tout autre lauréat. Le virus va chambouler les conditions dans lesquelles le PAM empochera son Nobel.
Si la situation sanitaire le permet, le prix, soit un diplôme, une médaille d'or et un chèque de 10 millions de couronnes (près de 1,5 M$ CA), sera remis dans des festivités au format nettement réduit le 10 décembre à Oslo.
Dans le cas contraire, il faudra se contenter d'une cérémonie à distance par des moyens numériques.
Source: https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1739939/prix-nobel-paix-2020-programme-alimentaire-mondial-onu