Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Guinéennes et guinéens,
Mes très chers compatriotes,
Nous voici donc, 13 années après celle de 2008, à l’entame d’une nouvelle période de transition dans notre pays. Comme l’a ci-bien énoncé le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), une transition réussie suppose plusieurs éléments, dont la refondation d’État ainsi que le redressement et la moralisation de la vie publique. Ces premiers éléments ont fait l’objet de la Déclaration No3 de la Ligue des Démocrates Réformistes de Guinée (LDRG). Par ailleurs, CNRD n’a pas omis de souligner l’importance d’une bonne réforme constitutionnelle qui devra nous mener, non seulement vers la dépersonnalisation du pouvoir politique, mais aussi, vers un véritable État de droit. Pour un pays comme la Guinée où le tissu social a totalement été déchiqueté au cours des 13 dernières années à coup de discours de haine et de politique ethnocentrique, le contenu de notre nouvelle constitution est certes très important, mais le processus qui va mener à cette réforme constitutionnelle est encore plus important. S’il est bien conçu et bien exécuté, c’est ce processus de réforme constitutionnelle qui nous permettra, en tant que nation, de nous parler à nouveau comme des frères et sœurs, de nous rassembler autour de valeurs communes, et de regarder ensemble vers l’avenir.

De ce fait, dans cette Déclaration No4 de la LDRG, je souhaite partager avec vous, non pas nos propositions concernant le contenu de la réforme constitutionnelle, mais plutôt, notre proposition pour un processus de réforme constitutionnelle inclusif et participatif comme le souhaitent le Colonel Mamady Doumbouya et le CNRD. Plus concrètement, un processus de réforme constitutionnelle inclusif et participatif comprend 3 principales étapes :

I) La première étape du processus de réforme constitutionnelle consiste en la phase préparatoire : en effet, une réforme constitutionnelle inclusive et participative suppose par nature l’ouverture d’un très grand forum national où chaque citoyen a son mot à dire. Cela implique, par nature, la conjonction d’une grande diversité de vues et d’intérêts. Lorsqu’on s’apprête à ouvrir un tel forum, il est donc très important de s’entendre dès le départ sur un certain nombre de principes afin que la conversation puisse se dérouler sans accrochages majeurs. À cet effet, 4 principaux accords doivent être établis durant cette première étape :

1.D’abord, il faut un accord préliminaire entre le CNRD, les partis politiques et la société civile sur la taille et la représentativité du forum national : au cours de la transition de 2008, un Conseil National de Transition (CNT) de 130 membres avait été mis en place sans que les populations ne sachent quels ont été les critères de choix des acteurs du CNT. Naturellement, si la majorité des participants au forum sont des personnes connues comme étant de mauvaise moralité, il y aura très peu de chance que le fruit des travaux d’un tel forum national soit de bonne qualité. Voilà pourquoi, pour éviter les mêmes erreurs que celles de la transition de 2008, comme l’a ci-bien exprimé le Cardinal Robert Sarah depuis le Vatican dans sa lettre adressée au Colonel Mamady Doumbouya le 17 septembre 2021, il est très important qu’il y ait un accord transparent sur les critères de choix des participants au forum national de manière à ce qu’on n’y retrouve pas « les prédateurs invétérés de notre pays, corrompus et incompétents qui ont accompagné tous les gouvernements précédents, et qui se considèrent comme des éléments incontournables et inamovibles ». C’est en ayant le courage de procéder à ce ménage que nous pouvons espérer avoir des délibérations à la hauteur des enjeux de cette transition historique.

2.Ensuite, il faut un second accord entre le CNRD, les partis politiques et la société civile sur le mécanisme décisionnel à utiliser lors des délibérations du grand forum national : en effet, face aux nombreuses opinions contradictoires et aux intérêts divergents, le mécanisme décisionnel choisi sera très important pour le succès du processus de réforme constitutionnelle. À cet effet, comme ce fut le cas au Kenya, l’exigence d’une majorité de deux tiers pour valider les propositions au sein du forum national apparaît comme une bonne solution pour réduire l’incidence d’intérêts étroits sur la rédaction de la constitution. Au cas où une majorité de deux tiers ne se dégage pas, la question devra être portée au Président du CNRD qui devra en ce moment trancher en tenant compte de l’opinion populaire. Mais avant qu’une question ne soit portée au CNRD, des efforts de bonne foi suffisants doivent être employés pour rallier la majorité des deux tiers au sein du forum national. En combinant ces deux mécanismes décisionnels, non seulement cela facilitera l’obtention d’un « consensus suffisant » sur le contenu de la prochaine constitution, mais de plus, cela nous évitera de tourner en rond dans des débats interminables. 

3.Puis, il faut un troisième accord entre le CNRD, les partis politiques et la société civile sur la manière dont les contributions populaires seront recueillies et évaluées : le fait d’impliquer activement des citoyens informés tout au long du processus de réforme contribue, non seulement au rassemblement de notre nation à nouveau, mais aussi, à la légitimité populaire de la nouvelle constitution. Cependant, alors qu’une bonne part des citoyens seront représentés par des partis politiques et des organisations de la société civile; l’écrasante majorité de notre nation, notamment ceux de l’intérieur du pays, n’y sera pas. La bonne nouvelle est qu’il y a plusieurs exemples de processus de réforme constitutionnelle en Afrique où des moyens ont été déployés pour faire participer efficacement toute la population, notamment en Tanzanie et au Kenya. Par exemple, il est possible d’avoir des assemblées citoyennes dans chaque CRD et dans chaque quartier pour recueillir l’avis des citoyens sur le contenu de la réforme constitutionnelle. Chaque assemblée aura un rapporteur et des interprètes pour partager en langues nationales, lorsque c’est nécessaire, les grandes questions constitutionnelles et recueillir l’avis des populations à la base. De même, des plateformes mobiles et les réseaux sociaux en ligne devront être utilisé à bon escient pour sensibiliser la population tout au long du processus de réforme constitutionnelle. Au cours des 10 dernières années, la LDRG a expérimenté à plusieurs reprises des référendums électroniques en ligne en guise de rejet de la constitution rédigée à huis-clos et décrétée durant la transition de 2008. Nous sommes disposés à partager cette expérience et à la mettre au service du CNRD pour la réussite du processus de réforme constitutionnelle. 

4.Finalement, il faut avoir un quatrième accord entre le CNRD, les partis politiques et la société civile sur les principaux changements majeurs qui animeront le débat public : parmi ces grands changements, le Colonel Mamady Doumbouya a déjà évoqué à plusieurs reprises la fin de la personnalisation du pouvoir politique. Certains acteurs évoquent l’élection des gouverneurs des différentes régions administratives du pays. D’autres évoquent la migration vers un régime parlementaire. Ce sont là autant de grands débats qui méritent d’être épuisé par notre nation afin de retrouver enfin ensemble le chemin qui nous est destiné en tant que nation. Quant à ce qui nous concerne au sein de la LDRG, les grands changements et le contenu de la réforme constitutionnelle que nous proposons feront l’objet d’une déclaration ultérieure.

Ainsi, avant l’entame du processus de réforme constitutionnelle, ces 4 principaux accords entre le CNRD, les partis politiques et la société civile doivent être couché sur papier. En moins d’une semaine, ces accords peuvent être prêts. Il reviendra cependant au CNRD de fixer la date de début et la date de fin du grand forum national afin de permettre aux différentes commissions de planifier le déroulement des débats à l’échelle nationale.

II) La deuxième étape du processus de réforme constitutionnelle consiste en la phase de délibération sur le fond et la phase de la rédaction de la nouvelle constitution : c’est à cette phase que les mécanismes décisionnels joueront un rôle important pour débloquer les impasses et trouver des consensus entre les diverses opinions contradictoires. C’est aussi à cette phase, même si ce n’est pas absolument nécessaire, qu’il faut associer des experts juridiques afin de s’assurer de la cohérence entre les divers articles constitutionnels ayant fait l’objet d’un accord. À ce titre, il faut souligner que, en se basant sur une vision de partage du pouvoir, la LDRG a déjà publié un projet de constitution complet et cohérent pour la Guinée. Nous sommes le seul mouvement dans l’environnement sociopolitique guinéen à en être arrivé à ce niveau de clarté dans notre vision institutionnelle. 

III) La troisième et dernière étape du processus de réforme constitutionnelle consiste en la phase d’adoption de la nouvelle constitution : arrivé à cette étape, la constitution aura déjà été rédigée et adopté par le forum national. Il ne restera plus que de la soumettre au Référendum populaire pour sceller définitivement sa légitimité populaire en tant que texte fondamental qui guidera les destinés de notre nation au cours des prochaines décennies. À ce titre, il serait préférable de combiner les prochaines élections législatives avec le référendum populaire pour l’adoption de la nouvelle Constitution.

Guinéennes et guinéens,
Mes très chers compatriotes,
C’est le moment de nous écouter et de nous parler à nouveau en tant que nation. C’est seulement en nous écoutant et en nous parlant que nous découvrirons ce qui nous unis le plus, et que nous réussirons à rétablir la confiance entre nous. L’occasion est unique parce que, par la grâce de Dieu, nous avons à la tête de cette transition des filles et des fils dignes de la Guinée qui ont la volonté d’accompagner la nation toute entière dans ce processus de recherche d’un destin commun. Le contenu des 3 étapes du processus de réforme constitutionnelle énoncé dans cette déclaration est le chemin qui nous permettra d’arriver à bon port. Quant aux propositions de la LDRG concernant le contenu proprement dit de la nouvelle constitution, elles feront l’objet d’une déclaration ultérieure.

Je vous remercie.

Mamadou Oury Diallo
Président de la LDRG

Tag(s) : #Africa, #Afrique, #Afrique de l'Ouest, #Guinée