Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Qui gouverne à Conakry ? L'état de santé de Moussa Dadis Camara - le chef de la junte guinéenne évacué, vendredi 4 décembre, vers le Maroc quelques heures après été l'objet d'une tentative de meurtre - semble préoccupant. Son absence ne va-t-elle donc pas ouvrir une bataille pour la prise du pouvoir dans ce pays instable ?

Les premiers bulletins de santé émis par la junte se voulaient rassurants, quelques heures après que le capitaine Dadis eut été blessé par balles par son aide de camp, Aboubakar Sidiki Diakité dit "Toumba", dans une caserne de Conakry. Vendredi, le président du Burkina Faso, Blaise Compaoré, était plus réservé : "Dadis est dans une situation (...) difficile, certes, mais (...) pas désespérée."

Selon plusieurs sources, le chef de la junte aurait été touché à la tête et au cou. Il a été interné à l'hôpital militaire marocain Mohammed V à Rabat. "Il va subir probablement une opération parce qu'il a reçu effectivement des balles", a précisé le chef de l'Etat burkinabé.

En conséquence, Dadis Camara pourrait bien être tenu, pour un certain temps, à l'écart de la Guinée et de ses luttes féroces pour le pouvoir. "Il n'y a pas eu de déstabilisation suite à cet attentat. Les dirigeants actuels s'organisent au mieux pour maintenir la stabilité", a ainsi dû préciser Blaise Compaoré. Le président burkinabé sait de quoi il parle. Il dirige depuis octobre une médiation entre l'opposition et la junte guinéennes afin de tracer la voie d'une transition démocratique dans ce pays dirigé par une junte militaire, le Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), depuis le coup d'Etat du capitaine Dadis à Noël 2008.

Les relations entre les deux parties, tendues depuis plusieurs mois, ont dégénéré le 28 septembre. Une manifestation de l'opposition qui réclamait le départ du CNDD et l'organisation d'une élection libre avait alors été noyée dans le sang par les soldats de la garde présidentielle. L'enquête internationale chargée d'identifier qui, au sein de la junte, a planifié puis exécuté cette tuerie serait à l'origine du face-à-face sanglant entre "Toumba" et Dadis Camara.

Or, les rapports de force au sein du CNDD - coalition civilo-militaire où les officiers de l'armée sont prédominants - n'ont jamais été très clairs. Encore moins, depuis le départ de Dadis Camara vers le Maroc. Isolé par la communauté internationale depuis le 28 septembre, le CNDD "s'est radicalisé, les modérés sont partis", observe un militant guinéen des droits de l'homme. "Un climat de peur règne en Guinée", dénonçait d'ailleurs, mercredi, Amnesty International qui évoquait notamment des arrestations et le harcèlement d'opposants.

Ces derniers mois, Dadis a resserré son pouvoir autour de quelques hommes de confiance issus comme lui de Guinée forestière, dont, parmi les civils, son conseiller et ministre de la communication, Idrissa Cherif, ou le ministre de l'environnement, Papa Koly Kourouma. Mais le coeur de la bataille, et du pouvoir, se situe dans l'armée. Et cette institution est loin d'être stable. A tel point que le "président" Dadis, avant son départ forcé pour le Maroc, avait pris soin d'éviter de quitter le pays voire s'éloigner de sa base, le camp Alpha Yaya. Derrière Dadis et depuis la fuite de "Toumba", en cavale avec ses hommes, deux officiers attendent leur heure : Jean-Claude Pivi, dit "Coplan", chargé de la sécurité présidentielle et Sekouba Konaté, ministre de la défense. Tout comme Dadis avait ramassé un pouvoir décomposé à la mort du président Lansana Conté, il y a un an, ils pourraient profiter de l'absence du chef pour se saisir des rênes.

Christophe Châtelot
Source: http://www.lemonde.fr/afrique/article/2009/12/05/l-hospitalisation-du-chef-de-la-junte-relance-la-bataille-pour-le-pouvoir-en-guinee_1276537_3212.html#ens_id=1246411

Tag(s) : #Politique-Guinée