Le débat sur la manière d'inciter les banques à prendre moins de risques a progressé à
l'occasion de la réunion des ministres des finances du G20 à Saint Andrews (Ecosse), samedi 7 novembre. Le premier ministre britannique, Gordon Brown, y a contribué en s'y invitant de façon
impromptue pour dire aux grands argentiers sa conviction qu'il était "nécessaire de discuter d'un contrat social" entre les banques et les contribuables. Pour lui, il faut que "les marchés
financiers soient mieux alignés sur les valeurs du plus grand nombre : travail, responsabilité, intégrité et justice".
M. Brown a évoqué plusieurs voies pour la prise en charge par le secteur financier du "fardeau" que son sauvetage peut représenter pour le reste de l'économie : "une prime
d'assurance reflétant le risque systémique", un fonds de secours, un renforcement du capital des établissements, "une taxe sur les transactions financières internationales".
Cette dernière n'a pratiquement aucune chance de voir le jour. Inspirée de la taxe imaginée par le prix Nobel américain James Tobin en 1972 pour jeter quelques "grains de sable" dans les rouages
de la finance internationale et calmer ses ardeurs spéculatives, elle suscite de fortes hostilités.
Le secrétaire au Trésor américain, Timothy Geithner, l'a contré : "Une taxe quotidienne sur la spéculation n'est pas quelque chose que nous sommes prêts à soutenir." Le ministre suédois des
finances, Anders Borg, n'y est pas favorable non plus. Quant au président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, il a déclaré que cette idée n'avait "pas du tout été
discutée" par le G20.
Dominique Strauss-Kahn, le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), a soutenu les propositions du premier ministre britannique, mais en retenant son option "assurances". "Le
secteur financier doit payer les risques inconsidérés qu'il prend, a-t-il déclaré. Ce n'est pas à la collectivité d'en assumer les conséquences."
Le système sur lequel travaille le FMI, et qui sera présenté en avril à l'occasion du G20 "finances" à Washington, consisterait en un prélèvement sur les banques les plus imprudentes. L'argent
récolté serait placé dans un fonds et, par la suite, servirait à secourir les établissements en difficulté. "Dans les pays où il y aura beaucoup de régulation financière, explique Dominique
Strauss-Kahn, la prime serait plus légère que dans les pays où elle sera moins contraignante. Les banques auraient le choix entre une stricte rigueur ou payer cette sorte d'assurance". La
ministre française, Christine Lagarde, a estimé que ce dispositif serait "une très bonne chose".
D'autre part, le G20 a confirmé la mise en place à partir du mois de janvier 2010 d'un dispositif de surveillance économique mondial. Le FMI centralisera les données et les prévisions que lui
communiqueront les Etats. Il simulera les évolutions possibles et formulera des recommandations. "Le G20 en discutera et chaque Etat membre adaptera sa politique selon ses propres conclusions",
commente M. Strauss-Kahn, qui sait les préventions de certains pays asiatiques ou latino-américains à l'égard des oukases du FMI.
Les ministres ont estimé qu'il était trop tôt pour mettre fin aux mesures exceptionnelles de soutien mises en oeuvre par de nombreux gouvernements. "La reprise est incertaine", a souligné le
chancelier de l'échiquier, Alistair Darling.
Les pays du G20 semblent disposés à suivre les recommandations du FMI en matière de stratégie de sortie de crise. Pour éviter que "la reprise cale", celui-ci estime que "la politique non
conventionnelle (les aides publiques au crédit notamment) n'a pas forcément besoin d'être retirée avant de relever les taux directeurs".
Enfin, le G20 n'est pas parvenu à s'entendre sur le financement de la lutte contre le réchauffement climatique à un mois de la conférence de l'ONU à Copenhague sur ce sujet. Les pays en
développement demandent aux pays riches d'assumer la plus grande part de ce fardeau que l'Union européenne a chiffré à 100 milliards d'euros par an. Pour minimiser leur contribution, ceux-ci
rétorquent que les pays en développement figurent parmi les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre, notamment la Chine. Leur communiqué confirme l'impasse en se contentant de reconnaître
"la nécessité d'augmenter de façon significative et urgente l'importance et la capacité de connaître l'étendue de ces financements, pour mettre en oeuvre un ambitieux accord international".
Alain Faujas
Source: http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2009/11/09/le-fmi-prepare-une-taxe-sur-les-banques-dangereuses_1264689_1101386.html#ens_id=1198047