Un nouveau report de l'élection présidentielle ivoirienne
est de plus en plus probable. "Si on veut une liste (électorale) transparente, solide, fiable (...) il ne sera pas possible de tenir le 30 novembre (date prévue du scrutin), cela me paraît
clair", a confirmé, mercredi 28 octobre, le président du Conseil économique et social, Laurent Dona Fologo, un ancien opposant passé dans le camp du président Laurent Gbagbo, dont il est devenu
proche.
Ce énième report (le scrutin aurait dû se tenir en 2005) intervient dans un contexte tendu. Selon un rapport de l'ONU sur la Côte d'Ivoire, "malgré l'embargo sur les armes, les parties
ivoiriennes dans le nord et le sud se réarment". Les experts onusiens, dont le rapport a été publié mardi, préviennent que "si la situation politique du pays venait à se détériorer, menaçant les
intérêts économiques de certaines parties, (on) ne peut exclure la possibilité d'une escalade rapide de la violence armée, en particulier dans le nord", aux mains des ex-rebelles des Forces
nouvelles.
Parce qu'une reprise des combats "mettrait en danger la mainmise politique et économique de différentes parties sur certaines zones du pays, selon les auteurs, les risques de conflit nord-sud ont
diminué", nuancent-ils.
Ambiguïtés du Burkina Faso
Le nord de la Côte d'Ivoire est, selon ce rapport, en proie à une économie de type "féodal", avec des "commandements politico-militaires qui se disputent (parfois violemment) le contrôle des
ressources naturelles et du commerce". Les chefs de guerre locaux n'ont aucun intérêt à la réunification du pays. "Ils exploitent et exportent les ressources naturelles, dont le cacao, le coton,
le bois, la noix de cajou, l'or et les diamants", expliquent les auteurs. Et comme l'avenir est "incertain, des commandants de zone se réarment".
De son côté, selon le rapport, le gouvernement ivoirien se contente "de s'attacher principalement à assurer sa maîtrise sur le sud". Plutôt que de faire des "concessions", le président Gbagbo
attendrait que les Forces nouvelles "finissent par imploser."
L'armée ivoirienne, qui dispose, selon le rapport, "d'une supériorité écrasante", s'inquiète surtout de "l'opposition politique (potentiellement violente) dans le sud du pays" et de sa
militarisation. Le rapport donne pour exemple la création, en juillet, d'une "nouvelle milice" par le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), de l'ancien président Henri Konan Bédié,
l'adversaire principal du Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo.
Les experts onusiens jugent "particulièrement préoccupant le mouvement d'armes et de munitions entre le territoire du Burkina Faso et le nord de la Côte d'Ivoire (tenu par les rebelles)". Selon
eux, "certains éléments" au Burkina Faso bénéficient des trafics en provenance de la Côte d'Ivoire, et sont "peu enclins à désirer la réunification politique et administrative rapide de la Côte
d'Ivoire".
Le rapport ne pointe pas explicitement du doigt le président burkinabé Blaise Compaoré, qui est aussi médiateur du conflit en Côte d'Ivoire, mais il estime qu'"un Etat" est très probablement
impliqué dans les trafics d'armes. Après avoir étudié ce rapport, le Conseil de sécurité a prolongé, jeudi, les sanctions qui pèsent sur la Côte d'Ivoire. L'ambassadeur de la Côte d'Ivoire à
l'ONU, Alcide Djédjé, a protesté contre des mesures qu'il juge "anachroniques".
Philippe Bolopion
Source: http://www.lemonde.fr/afrique/article/2009/10/30/un-rapport-de-l-onu-s-inquiete-du-rearmement-en-cours-en-cote-d-ivoire_1260583_3212.html#ens_id=1250805