Deux photographes de guerre, Tim Hetherington et Chris Hondros, ont été tués, mercredi 20 avril à Misrata, grande ville de l'ouest de la Libye assiégée depuis plusieurs semaines par les forces kadhafistes.Tim Hetherington et Chris Hondros étaient tous deux âgés de 41 ans. Les deux hommes se trouvaient dans un groupe qui a été atteint par des tirs de mortier rue de Tripoli, l'artère principale entre le centre et le sud de la ville, que se disputent les insurgés et les forces gouvernementales. "Tout était calme et nous tentions de nous retirer quand un obus de mortier est arrivé. Nous avons entendu des explosions", a raconté le photographe espagnol Guillermo Cervera, présent lors du bombardement.
Né à Liverpool, en Grande-Bretagne, Tim Hetherington avait couvert de nombreux conflits au cours des dix dernières années et remporté plusieurs prix prestigieux, notamment le World Press Photo Award en 2007 pour ses photos des soldats américains en Afghanistan. Il avait ensuite réalisé sur ce sujet, avec Sebastian Junger, le documentaire Restrepo, nommé aux Oscars.
Le Monde avait pu rencontrer Hetherington et Junger au mois de février pour les interroger sur leur travail en Afghanistan.
Blessé à la tête, Chris Hondros est mort quelques heures après. Mercredi, une photo qu'il avait réalisée faisait la "une" du Washington Post. On y voit un fossoyeur en train de creuser une tombe dans un cimetière de Misrata. Chris Hondros avait notamment couvert les conflits du Kosovo, de l'Angola, de la Sierra Leone, de l'Afghanistan ou d'Irak. Sélectionné pour le prix Pulitzer, il avait remporté en 2006 la médaille d'Or Robert-Capa pour son "courage et son initiative exceptionnels" en Irak.
Deux autres photographes ont été blessés, mercredi. Après deux mois de conflit en Libye, trois journalistes sont morts, plus d'une dizaine ont été détenus et d'autres sont portés disparus. Ali Hassan Al Jaber, caméraman d'Al-Jazira, avait été tué le 12 mars dans une embuscade près de Benghazi. Mohamed Nabous, 28 ans, est mort sous les balles du régime à Benghazi. Il n'était pas journaliste professionnel mais avait monté la première télévision libre de Libye, Libya Horaa, diffusée sur Internet par satellite.
"RISQUER LEUR VIE CHAQUE JOUR POUR NOUS INFORMER"
A l'annonce de l'incident, la Maison Blanche a salué "les journalistes (qui), à travers le monde, risquent leur vie chaque jour pour nous informer, demander des comptes aux dirigeants et donner la parole à tous ceux que personne n'entend".
Plusieurs médias internationaux ont interdit à leurs reporteurs de se rendre à Misrata en raison des risques trop importants, avant d'alléger leurs restrictions. Des dizaines de journalistes sont arrivés mercredi après-midi par bateau de Benghazi, fief de la rébellion dans l'Est. Un tir de mortier a également touché à la mi-journée deux médecins ukrainiens, tuant l'homme et blessant grièvement sa consœur, selon des sources médicales à Misrata.
La situation est périlleuse également dans l'axe Ajdabiya-Brega, autre zone de combats entre rebelles et forces gouvernementales dans l'est du pays. Dimanche, une pluie de roquettes vers Ajdabiya avait forcé les journalistes à se replier à l'extérieur de la ville.
Outre les dangers des combats, il y a aussi les disparitions. Le sort d'un journaliste britannique d'Al-Jazira, Kamel Ataloua, demeure inconnu. Trois collègues de la chaîne, un Tunisien, un Mauritanien et un Norvégien, arrêtés en même temps que lui le 7 mars dans l'ouest du pays, ont été libérés. Quatre journalistes, deux Américains travaillant pour des journaux en ligne, un Espagnol et un Sud-Africain, l'un et l'autre photographes, ont disparu le 4 avril. Le gouvernement libyen a affirmé qu'ils étaient détenus et seraient libérés, mais la Maison Blanche a déclaré mardi que les Américains étaient "très inquiets" à leur sujet. Le porte-parole du Conseil national de transition (CNT), organe officiel de la rébellion, Abdelhafiz Ghoqa, a indiqué mercredi soir que six journalistes libyens étaient aussi entre les mains de Kadhafi.
Source: http://www.lemonde.fr/libye/article/2011/04/21/deux-photojournalistes-tues-a-misrata_1510647_1496980.html