Après un discours très menaçant de Mouammar
Kadhafi, plusieurs pays ont condamné la répression sanglante du mouvement de révolte libyen. Tandis que la Ligue arabe a suspendu la Libye des réunions de l'organisation, le Conseil de
sécurité réuni en urgence à New York a demandé mardi 22 février "la fin immédiate" de la violence dans le pays et condamné la répression des manifestants
engagée par le régime, demandant que les responsables d'attaques contre des civils répondent de leurs actes.
Une première réunion informelle dans la matinée à été suivie dans l'après-midi de consultations formelles qui se poursuivaient dans la nuit. C'est la première fois que le conseil discute de la tourmente qui a gagné le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord."Il s'agit à l'évidence d'un cas différent de ce que nous avons vu en Egypte et en Tunisie du fait de l'étendue de la violence et de l'utilisation de mercenaires" contre les manifestants, a souligné un diplomate sous couvert d'anonymat.
Bien que la Chine et la Russie s'opposent traditionnellement à toute ingérence dans les affaires intérieures d'un pays, "tout le monde reconnaît qu'il s'agit d'une situation très grave et que la violence a atteint un niveau choquant", avait indiqué un autre diplomate avant la réunion. "Nous espérons que quelque chose sortira du conseil afin de protéger le peuple libyen", avait indiqué de son côté Ibrahim Dabbashi, ambassadeur adjoint de la mission libyenne à l'ONU, qui a fait défection lundi. M. Dabbashi avait envoyé une lettre au conseil lundi soir demandant cette réunion. Il a demandé que l'ONU proclame une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye et l'établissement d'un corridor humanitaire pour apporter une aide aux civils.
MERKEL ET CLINTON GRAVES APRÈS LE DISCOURS DE KADHAFI
La chancelière allemande Angela
Merkel a jugé "très effrayant" le discours de Kadhafi "car il a déclaré la guerre à son propre peuple". "Nous demandons aux autorités libyennes
l'arrêt de la violence contre leur propre peuple […]. Si la violence ne s'arrête pas […], nous réfléchirons à des sanctions", a ajouté la chancelière allemande. "Les
informations qui nous parviennent de Libye sont extrêmement préoccupantes", a-t-elle précisé.
"Ce bain de sang est totalement inacceptable", a déclaré de son côté la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton. "Il en va de la responsabilité du gouvernement de Libye de respecter les droits universels de son peuple, y compris son droit de s'exprimer librement et de se rassembler", a ajouté la chef de la diplomatie américaine lors d'une conférence de presse à Washington.
BERLUSCONI ET KADHAFI SE SONT PARLÉS AU TÉLÉPHONE
En Italie, Silvio Berlusconi s'est entretenu par téléphone avec le dirigeant libyen après l'intervention télévisée du leader libyen. Selon l'agence Ansa, au cours de cette conversation qui a duré une vingtaine de minutes, M. Berlusconi a réaffirmé la nécessité d'une solution pacifique sous le signe de la modération pour éviter que la situation ne dégénère en guerre civile. Rome craint en particulier un afflux massif de migrants clandestins. L'Italie a conclu un accord avec Tripoli en 2008 qui prévoyait notamment la reconduite de migrants en Libye. Selon l'un des scénarios étudiés mardi soir, il y aurait un risque de voir affluer de 200 à 300 000 immigrés.
Les liens économiques entre l'Italie et la Libye se sont resserrés en 2008 avec la signature d'un accord historique dans le cadre duquel Rome s'est engagé à verser cinq milliards de dollars pendant vingt-cinq ans à Tripoli au titre de dédommagements pour la colonisation. Les entreprises italiennes ont depuis obtenu de nombreux contrats en Libye tandis que Tripoli s'est renforcé dans le capital d'entreprises italiennes grâce à ses "pétrodollars".
LA LIBYE SUSPENDUE DE LA LIGUE ARABE
Au moment où Mouammar Kadhafi s'exprimait à la télévision, la Ligue arabe a publié un communiqué expliquant que la participation de la Libye aux réunions de l'organisation était suspendue. Les représentants des vingt-deux pays de la Ligue arabe ont également indiqué qu'ils allaient recommander à la réunion ministérielle de la Ligue, le 3 mars, d'envisager la suspension de la Libye "en tant que membre"de cette instance.
Le conseil estime "légitime la satisfaction des ambitions, des revendications et des espoirs des peuples arabes dans la liberté, dans les réformes démocratiques, le développement et la justice, et qu'il s'agit d'un droit qu'il faut respecter". Les participants à cette réunion ont également rejeté "les dangereuses accusations libyennes sur la participation de ressortissants de certains pays arabes vivant en Libye dans les actes de violence".