Tous les ans, le Parlement européen remet le prix Sakharov, qui couronne les efforts d'un homme ou d'une femme en faveur de la
liberté de penser. Cette année, c'est le dissident cubain Guillermo Fariñas, 48 ans, éternel défenseur des droits de l'homme face au régime castriste, qui l'a emporté. Une distinction qui
récompense 15 années de lutte politique.
Fils de révolutionnaires, Guillermo Fariñas n’a jamais pris la voie des armes. Son corps porte pourtant les stigmates du combat politique qu’il mène depuis des années contre le régime castriste : le dissident cubain a fait de la grève de la faim le principal instrument de ses revendications. En près de 15 ans, il a cessé de s’alimenter à 23 reprises, précipitant l’apparition de complications hépatiques chroniques, doublées d’un caillot de sang longtemps logé dans son artère jugulaire.
Mais ce journaliste, ancien directeur de l’agence de presse indépendante Cubanacán Press, semble bien loin de se soucier de son état de santé. Il s’est toujours dit prêt à payer de sa personne pour obtenir des autorités cubaines « qu’elles cessent, comme elles le font depuis 51 ans, de tuer les opposants politiques ».
Une lutte sans fin pour la liberté
En 2006, il arrête de boire et de se nourrir pour réclamer que les Cubains puissent accéder librement à Internet. Sans succès. Quatre ans plus tard, en février 2010, profondément choqué par la situation sanitaire des prisonniers politiques dans les geôles de son pays, Guillermo Fariñas entame par une nouvelle période de privation volontaire un bras de fer sans précédent avec le régime des frères Castro.
Cette fois, largement diffusées par les médias internationaux, les images de son crâne chauve et de son corps décharné font le tour du monde. Malgré la pression, l’administration cubaine se refuse à libérer les 26 détenus malades dont il exige qu’ils soient rendus à leurs familles.
Ce n’est que le 7 juillet, au bout de 135 jours de calvaire, et après que le dissident a perdu plus de 20 kilos, que l’Etat cubain, par l’intermédiaire de l’Eglise, annonce la remise en liberté de 52 prisonniers. Sur le lit d’hôpital où il a frôlé la mort, Guillermo Fariñas déclare simplement : « C’est Cuba qui a gagné ».
Le prix d'un « grand sacrifice personnel »
« C’était le candidat idéal parce qu’il répond parfaitement aux exigences du prix Sakharov, a déclaré le député espagnol européen José Ignacio Salafranca, qui a soutenu sa candidature. La défense des droits humains et des libertés fondamentales, la liberté d’expression et la lutte pour la démocratie, avec un grand sacrifice personnel ».
Joint par la rédaction latino-américaine de RFI, Guillermo Fariñas s’est dit « encouragé à poursuivre la lutte pour la démocratie représentative dans [son] pays ». « Nous continuerons notre bataille jusqu'à la fin, a-t-il ajouté, même si cela doit nous coûter la vie. Je pense que le Parlement européen envoie un message directement au gouvernement cubain et à la gauche radicale dans le monde entier ; un message en faveur de la liberté d'opinion. » Il a dédié son prix à tous les « martyrs » de Cuba.