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Je souhaite, dès le départ, saluer sans aucune ambiguïté ce projet de création d’une monnaie unique pour la CEDEAO. C’est une étape importante pour l’intégration complète de la sous-région.

Cependant, ce projet soulève des questions qui méritent des réponses clairs avant toute aventure.

1-Premièrement, quelle est la vision derrière la création de cette monnaie unique? Si nous voulons créer une monnaie unique par effet de mode ou pour simplement créer une monnaie unique, alors je ne crois pas que la Guinée soit prête pour de telles aventures. La monnaie unique doit être un instrument pour faciliter les échanges entre les pays membres, pour protéger nos économies et pour favoriser la prospérité de la sous-région.

2-Deuxièmement, la monnaie unique est-elle une fin en soi? En supposant que la vision soi celle de faciliter les échanges, protéger nos économies et favoriser la prospérité des pays membres, alors la monnaie unique ne peut en aucun cas être une fin en soi. Si vous créez une monnaie unique alors que vous n’avez pas d’infrastructures qui relient les différents pays, comment cette monnaie unique à elle seule favoriserait les échanges? Ça ne fait aucun sens. Le pire serait d’avoir une monnaie unique entre des pays qui n’ont pas d’échanges commerciaux consistants. Cette monnaie unique sera alors un lourd fardeau pour les citoyens ordinaires. De ce fait, si nous sommes sérieux avec le projet d’une monnaie unique, il ne faudrait pas simplement se limiter à quelques critères de convergence. Nous devons inclure des projets d’investissement pour doter la sous-région d’un minimum d’infrastructures routières, aériennes, maritimes, et technologiques pouvant accélérer les échanges. De même, inclure des projets ambitieux pour doter la sous-région de complexes universitaires de très haute qualité dont les différentes facultés seraient réparties entre les pays membres. La même chose doit prévaloir pour la santé, c’est-à-dire inclure des investissements pour doter la sous-région d’hôpitaux spécialisés de grande qualité répartis entre les différents pays membres. La Guinée serait beaucoup plus enthousiaste pour le projet d’une monnaie unique si de tels investissements sont considérés par les pays membres comme étant un préalable.

3-Troisièmement, comptons-nous répéter les erreurs de la zone euro ou souhaitons-nous tirer les leçons de la zone euro? Si nous voulons suivre l’exemple de la zone euro en commettant les mêmes erreurs, alors je me demande quel est le pays qui accepterait de jouer le rôle de la Grèce assiégée économiquement depuis plusieurs années. Nous ne sommes pas obligé de répéter les mêmes erreurs que la zone euro. Voilà pourquoi des mécanismes de solidarité financière doivent être créé pour protéger la zone et venir en aide aux pays membres ayant des difficultés. Par exemple, la Guinée serait prête à emprunter à un taux très bas pour le Nigeria si ce dernier pays était condamné à emprunter à des taux très élevés sur le marché. Voilà le genre de mécanisme qui doit être envisagé dans le projet de monnaie unique.

4-Quatrièmement et finalement, voulons-nous simplement nous limiter à l’union monétaire? Cette question est importante car l’expérience de la zone euro nous prouve qu’une union monétaire qui n’est pas accompagnée d’un minimum de convergence politique conduit à un cul-de-sac où la concurrence remplace la compétitivité et l’intérêt national commence peu à peu à dominer l’intérêt de la région, annulant ainsi tous les avantages de l’union monétaire. La Guinée, aussi pauvre soit-elle, tient extrêmement fort à sa souveraineté. L’histoire est là pour le rappeler. Mais l’histoire est aussi là pour rappeler que la Guinée à toujours été volontaire lorsqu’il s’agit d’abandonner une portion de sa souveraineté au bénéfice d’une intégration politique panafricaine. Voilà pourquoi il ne faut pas hésiter de mettre dès le départ sur la table les questions politiques dans le but d’arriver au moins au plus petit dénominateur commun sur les questions de défense, de sécurité, de politique étrangère, etc.

En matière d’intégration monétaire, l’expérience nous montre que les projets à la-va-vite improvisés ne peuvent pas faire l’affaire. Nous vivons une époque où nous sommes amenés à configurer nos économies pour tirer un maximum d’avantages de la mondialisation tout en nous protégeant contre les dérives de cette même mondialisation. Ce n’est peut-être pas possible, mais c’est certainement en essayant de trouver un équilibre qu’un nouveau chemin se dessinera. C’est un débat ouvert.

Mamadou Oury Diallo
Président de la LDRG

Tag(s) : #Afrique, #Afrique de l'Ouest, #Guinée